mardi 3 août 2010

Troisième entrée, 2 et 3 aout 2010






Reprenons ou nous en étions, c'est à dire à l'auberge de jeunesse. Après avoir passé un après midi avec deux Françaises de la faculté de Droit de Lille 2, je suis rentré dans l'idée de rester tranquillement au chaud dans l'auberge. Je garde de cette soirée un souvenir des plus agréables.
D'abord, j'ai sympathisé avec un groupe d'Argentins, deux filles de Buenos Aires, et deux garçons de Rosario (la ville de naissance du Che national, s'il vous plait!). Pour la première fois depuis mon arrivée, j'ai eu l'occasion de gouter au fameux "Maté", la boisson sans doute la plus fameuse de toute l'Argentine, qui se boit dans un petit pot, avec une paille en fer (ce qui, franchement, brûle complétement les lèvres). C'est assez bon je dois dire. S'en est suivit une longue conversation sur l'Argentine, sa diversité, et... sa vie politique (Présidence de Christina Kirchner, le mariage gay, légal en Argentine depuis quelques semaines à peine, la corruption...). Deux remarques s'imposent. D'abord, voilà trois fois que je parle politique avec les Argentins, et à chaque fois, cela suscite des débats passionnés. En ce sens, la démocratie Argentine me paraît en pleine forme. Je n'ai pas encore eu de réactions telles que "La politique? Je m'en fou", comme c'est fréquent en France. Deuxième remarque, tous dénoncent la corruption, apparemment profonde dans le pays (mais sans doute moins que dans les pays limitrophes). Ici me dit-on, tous sont corrompus: La gauche, la droite, les sénateurs, la police... Mais les langues, elles, sont bien déliées.
J'ai été, une fois encore, ému par l'hospitalité Argentine. On discute, on partage le Maté.

Est alors arrivé un groupe de Français. Des étudiants en vacances, parcourant l'Amérique latine entre amis. Ce fut une très belle soirée, dans cette auberge ou je me suis surpris à rêver aux routards d'antan. Jugez plutôt. J'étais là, à passer du Français à l'Espagnol, de l'Espagnol au Français et même un peu à l'Anglais (tant bien que mal), dans cette auberge en bois, reproduisant une cabane rustique aux lampions d'avant l'électricité. Beaucoup étaient bloqués à Mendoza. Ils voulaient passer au Chili par les Andes, mais aux dernières nouvelles, la route était bloquée par la neige. Ils restaient donc à l'auberge en attendant que la route soit dégagée, s'échangeant les dernières nouvelles "d'en haut".
C'est une chose fréquente à Mendoza, on ne sait jamais quand les cars peuvent circuler au col, et la situation du matin n'est pas toujours celle du soir. Bref, j'étais aux anges. On a joué aux cartes. Ils m'ont raconté les grosses galères de la Bolivie, les merveilles du Pérou, les moments de pures démerdes pour trouver un toit.
Il y avait un Français, Thomas, barbu, mal coiffé, qui en était à son troisième mois de voyage. Il projetait de partir pour un refuge, sur le Flanc de l'Aconcagua, afin de faire quelques randos, du parapente, et rester plus longtemps si affinité.
Puis est arrivée Camilla, un Brésilienne de 20 ans, le sang métissé par ses origines japonaises, magnifique. Étudiante en Relations Internationales, elle profitait des vacances pour se balader en Argentine. Elle était simple, gentille et spontanée, mélangeait le Portugais et l'Espagnol, connaissait l'Allemand pour avoir vécu un an à Berlin. Nous avons discuté de voyages, de l'Europe, du monde, et puis aussi des études.
Je suis allé me coucher des rêves plein la tête, mais le cœur lourd. Je savais pertinemment, en m'endormant, que demain je devais quitter l'auberge, pour ne retrouver cette ambiance magique (qui détrompez vous existe toujours) que dans quatre long mois. Ce sera alors à mon tour, pour un mois ou deux, d'arpenter les routes de l'Amérique latine.

Le lendemain, je suis allé m'installer dans cette résidence, que j'espère toujours n'être que temporaire. Pas de fenêtre dans ma chambre, une toilette/douche plus que vétuste (on tire la chasse en plongeant sa main dans le mur ou se trouve le réservoir, afin de soulever la ventouse). J'arrive dans un silence complet, après avoir galéré une heure au téléphone avec la responsable qui ne me comprenait pas, et que je ne comprenais pas. Tout était silencieux. Rien. Dans le couloir, j'entrevois par les ouvertures au dessus des portes des télés allumées. Les étudiants passent leurs journées devant, mais ne sortent pas. Je m'installe dans ma chambre, que je ne partage finalement qu'avec un seul argentin. La détresse monte. C'est triste. C'est sombre. Pas de rire. Rien. D'autres ont déjà trouvé une coloc. Pas moi. Impossible de connaître des gens plus longtemps qu'une journée. Mais il y a Maud, une Française d'Angers, ici pour trois mois. Étudiante en langue, elle tente de me rassurer. Elle connait ce mal, elle qui a déjà passé une année seule, à seulement 16 ans, aux États-Unis. Le premier mois est difficile. Je le sais déjà. Je le ressens déjà.
Elle me présente l'argentine qui partage sa chambre. Cynthia. Une fille super sympa. Elle nous prépare un plat local, elle nous sert du Maté. Un bon repas, un très bon moment. Après manger, Maud part pour sa faculté, mais avant, elle me donne l'adresse d'une maison disponible. Elle est, paraît-il, très sale, même si l'ambiance semble être là. Qu'importe la saleté, j'appelle le propriétaire et je m'y rends. 2747 calle Alpatacal. Mais la rue se termine au 1800! Je n'ai pas de portable pour le rappeler. Demi-tour. 5 cabines téléphoniques n'y feront rien, impossible de le joindre "Ce numéro n'existe pas", me dit-on. J'y retourne, qui sait, la ville change peut être de morphologie tout les jours à 17H, et je n'ai rien de mieux à faire. Étrangement, la rue est toujours la même, et se termine toujours au 1800. Je déprime un bon coup dans un parc, les mains gelées, avant de rentrer dans ma petite chambre, ou ma cellule, je sais plus trop.
La détresse est grande. Je la crache sur le net, à mes parents, à des amis.
Quand on touche le fond, on remonte. Alors, je vais frapper aux portes, me présenter, parler, échanger, même si tout est laborieux avec mon castillan bien fragile. Rapidement, je sers des mains, je discute. Et soudainement, tout va mieux. Les gens sont adorables, et déjà, se dessine des visages que je n'oublierai pas. Juan, jeune homme de Cordoba, étudiant en Œnologie me propose des cigarettes. Léo, mon compagnon de chambré, que je comprends mal, me raconte qu'il vit ici depuis deux ans, qu'il y étudie la médecine. Et Matias, vingt ans... il a quitté la résidence cette année, pour s'installer avec sa mère à quelques mètres de là. Il doit soigner son cancer, et fuir la fumée de cigarette qui remplit l'air de la résidence. Lui, il est passionné de danse. C'est ce qu'il pratiquait dans une école privée. Nous parlons musique. Le soir, je pars avec Maud et Léo boire une bière en ville. Un bar bruyant. Mais un bon moment. Mon moral joue au yoyo. Nous repartons à deux heures, sous la neige d'aout. Avant de dormir, il nous faudra tout de même dégager l'eau qui s'étendait devant la porte de notre chambre, à cause d'une gouttière mal fixée. Au final, c'était assez drôle.
Aujourd'hui, je vois Pauline. C'est l'autre étudiante de mon école. Nous partons visiter des colocs. Le taxi nous emmenée au fameux 2747 de la rue Alpatacal, qui existe bien, sans que je comprenne ou j'ai bien pu aller hier. C'est vrai. C'est sale, c'est mal isolé, c'est un vrai bordel. Mais on y attend un Mexicain et une Italienne, en plus de l'Allemande déjà présente. Je sais, je ne devrais pas y penser, mais pourquoi pas? Ce n'est que temporaire, puisque dans tout les cas, je devrais tout recommencer au prochain semestre (je ne vais pas payer pour un logement que je n'habiterai pas durant les vacances d'été, d'hiver pour vous, que je sois en France pour un stage obligatoire, ou quelque part sur le continent). Pauline me le déconseille. Elle a sans doute raison. Mais c'est mieux que ma triste résidence peuplée de belles personnes. .. C'est sur, c'est excentré... J'en sais rien. Cela reste une solution si à la fin du mois je ne trouve rien. Après un café pris avec Pauline, pendant lequel nous planifions notre journée de demain (ou nous aurons peut être enfin un portable!), je retourne à la résidence. Un nouveau venu me propose du Maté. J'accepte. Et me voilà, à écrire, un peu perdu entre tristesse, nostalgie, impatience, excitation, joie, doute, espoir, peur... C'est vrai ce qu'on dit. Le premier mois est difficile. Mais après ce mois, ici, se sera le printemps. J'espère que pour moi aussi.

Les photos présentent la résidence, et notamment ma mythique chasse d'eau. Bien sur, promis, je ne tarderais pas à vous fournir des photos de Mendoza!