mardi 28 juin 2011

Seizième entrée, du 16 au 28 Juin

Et voila que dans la stupeur je rédige la dernière entrée du journal de mon année universitaire à Mendoza. Pendant un an, je n'ai cessé de me demander ce que j'allai bien pouvoir écrire juste avant de partir. Et aujourd'hui, très franchement, je ne sais toujours que dire. En transférant toutes mes photos sur mon disque dur externe, j'ai vu défiler Mendoza, Buenos Aires, Cuzco, La Paz, Sucre, Lima, les hauts plateaux boliviens, les montagnes péruviennes, quelques visages, une faculté de béton, des Andes inaccessibles, des soirées jusqu'aux petits matins, des silhouettes familières, une jeep poussiéreuse, les eaux claires du Titicaca, des sacs à dos entassés sur le toit d'un bus, des T-Shirts puants la transpiration portés plusieurs jours, un glacier en Patagonie, des déserts et de la neige, les taules de Valparaiso, des chevaux, des flamands roses, des vigognes, des lamas, des verres de Fernet maladroitement avalés sur fond de Cumbia colombienne...

J'ai entendu l'Amérique chanter. Entre modernité et tradition. Entre la terre rouge et le ciel azur.

Comme un conte pour enfant, la poésie de la route a, durant un an, et pour quelques mois encore, bercée mes nuits et ensorcelée mes journées. Il trotte dans mon crâne des dizaines de prénoms et des centaines de visages. Autant de personnes qui continuent leur chemin. Salut à vous. Camarades d'un jour, Argentins, Français, Italiens, Espagnols, Canadiens, Allemands, Péruviens, Anglais...

Je me souviens des premières entrées du journal, quand je vivais dans l'auberge de Jeunesse et croisant chaque soir de nouveaux voyageurs. De nombreux se préparaient alors à rentrer. C'est à mon tour de m'en aller, et, déjà, de nouveaux commencent à arriver.
Savent-ils?

Dans quelques jours, les derniers pas en Argentine et au Chili, puis l'Équateur. Nous nous retrouverons donc en Septembre/Octobre, pour clore le journal des Andes.

Et dans quelques années? Serais-je en train de jouer du saxophone dans les humides rues de Paris? Ou bien enfermé dans un bureau d'une grande entreprise du CAC 40? En train de bronzer sous les soleils de Grenade? Peut être réciterai-je de la poésie dans un bar minable de Saint-Pétersbourg. Je pourrai bien aussi être six pieds sous terre, dans un sombre cimetière des Flandres arrosé de pluies froides. Reporter, appareil en main, dans les ruelles de Jérusalem, racontant les ficelles d'un conflit sans fin. Chômeur heureux avec quelques amis aux cheveux sales. Chômeur triste aux traits fatigués, dans un studio qui ne prend jamais la lumière du jour. Professeur blasé dans une petite ville de province. Révolutionnaire fiévreux, lançant le pavé, dans une révolte européenne. Militant haineux d'une extrême droite, hurlant, arme au poing. Intellectuel gorgé de Whisky, dans une austère bibliothèque.

La beauté des choses, c'est qu'on ne sait de quoi elles seront faites. Et si Dieu est le seul à savoir, pitié, qu'il me laisse dans l'ignorance.

Il me restera, quoi qu'il arrive, ce souvenir immortel des Andes. Gravé quelque part dans mon esprit. En fermant les yeux, je ressentirai de nouveau le soleil sur ma nuque, la poussière encrassant mes narines. Je pourrai une fois encore écarter mes bras, perché sur une haute montagne, devant une gigantesque vallée, et le vent fouettera ma mémoire comme il me giflait le visage.

On vit comme on peut. Et de cette manière, l'existence nous offre quelques fois la beauté inouïe de pouvoir dire « Je n'oublierai jamais ».

Et puis, il en reste des alcools inconnus pour s'enivrer, des femmes à admirer en passant dans les rues, des insultes à apprendre, des coups à donner et à recevoir. Des saveurs à embrasser, des lèvres à rêver. Et peu importe la marche des cons dans laquelle nous avons tous notre place. Si elle avance vite, c'est pas plus mal.

Le reste, au fond, ce n'est que de l'improvisation. Il suffit d'essayer de ne pas être trop salopard, et quand ce n'est pas possible, de ne pas trop y penser.

Rideau.











Ô la ville
La belle
Furieuse
Peut-être
Moi, je ferai la guerre
J'aurai votre sang sur mes mains
Sur les vôtres, il y aura le mien

Ô la ville
La belle
C'est un peu une poitrine
Gorgée d'ironie
Honnête pour pas un sou
J'y pose mon corps
Lourd comme un cadavre

Ô la ville
La belle
Furieuse
Le matin
Il y a toujours ce clochard
Qui te recouvre d'un drap
De crachats

Je le regarde
Sans penser
Amoureux
Déçu
Parfois
Et souvent
Je me rendors

Ô la ville
La belle
Furieuse
Peut-être
Moi, j'irai à la guerre
J'aurai votre sang sur mes mains
Sur les vôtres, il y aura le mien