mercredi 1 septembre 2010

Septième entrée, du 22 Août au 1 septembre 2010.






N'ayant pas pris de photo à Uspallata, je me permet de vous montrer celles prises par Sandra Maya.




Frères Lumière, néoréalisme italien, nouvelle vague française, cinéma soviétique... Vous l'aurez compris, le cours de "comunicacion cinematografica" est l'un de mes favoris à l'université. Il y a une semaine, je devais réaliser un travail de groupe, à présenter ensuite à l'oral, sur l'histoire générale du cinéma mondial. L'occasion de rencontrer cinq Argentins, de boire du maté en s'empiffrant de pâtisseries, mais aussi, bien sur, de parler une fois encore de politique! La discussion s'engage. Elle durera une bonne heure.
Face à moi, Natalia, une jeune étudiante en communication sociale, encartée auprès de Kirchner. La discussion commence par une question, innocente, sur la place de la mémoire de l'"époque Videla" dans la culture Argentine. Si pour certains, c'est du passé, cette question me semble plus vive ici, dans les couloirs de l'université. Les élèves se mobilisent contre la présence d'un professeur au passé très sombre, exerçant à la faculté de Droit. Par manque de preuve, ou par magouille, il a échappé à la justice. Natalia m'explique qu'après la dictature, l'heure était à l'union et au rassemblement du peuple dans un projet d'avenir. On ne construit pas un avenir en remuant le passé. C'est l'objet de la loi dite de "Punto final", qui comme son nom l'indique, vient théoriquement clore le débat sur cette mémoire meurtrie. Pour Natalia, c'est une erreur. "Et la justice?". Aujourd'hui encore, las abuelas de la plaza de Mayo continuent le combat plus que symbolique pour la vérité. Sous Videla, les opposants étaient arrêtés, drogués, et jetés vivant dans la mer. Ainsi, en respirant, les poumons se gorgeaient d'eau. Les corps s'enfonçaient alors dans les eaux sans jamais dériver jusqu'aux plages. Une autre horreur de l'époque consistait à enlever les bébés de personnes trop dérangeantes, pour les donner à un couple proche du régime. Aujourd'hui, de nombreux adultes cherchent leurs véritables racines. A Buenos Aires, on a créé un centre, dans lequel chacun peut venir espérer trouver sa vérité, grâce à une sorte de "Banque d'ADN".
Je veux vite en savoir plus sur la présidente. "Qui est Kirchner, au juste?" Située au centre gauche, Natalia, en militante, vante son bilan. Les adversaires, de gauche ou de droite, ne proposeraient rien d'autre qu'une opposition stérile et systématique, quand ce n'est pas une extrême division, récurrente chez les Communistes, Guévaristes, Anarchistes, Libertaires... très présents à l'université. Cependant, un ami Argentin m'expliquait, le lendemain, que l'opposition Gauche/Droite est ici bien moins nette qu'en France. En gros, en Argentine, la politique est un grand bordel (c'est la traduction la plus juste que je peux vous faire).
L'université est donc radicalement à gauche, comme j'en ai déjà parlé. Mais de manière globale, la province de Mendoza est très conservatrice, excentrée, et l'Église reste souvent la première clef d'explication du vote. Reste cette faculté un peu hors temps, et, comme s'amuse à me répéter Natalia, concentrée sur un idéal de société ayant vécu. Ici la jeunesse, comme c'est souvent le cas, est plus à gauche que le reste de la population. Mais loin, très loin d'une majorité davantage centriste. Et si l'on milite dans les classes pour une politique plus révolutionnaire, dans l'isoloir, on vote en réalité pour une Kirchner rose pâle. Ici, l'extrême gauche, c'est moins de 5% des voix. En 2011, même si rien n'est joué, on croit fort à une nouvelle victoire du couple. Un retour de la droite traditionnelle est-il aussi envisageable? Luciana, autre étudiante "Kircherienne" n'y croit pas. Mais alors, comment expliquer la victoire, de l'autre côté des Andes, de Sebastian Piñera? Pourquoi cette exception Latine? On m'explique alors que le Chili reste un pays particulier. Parmi les plus prospères d'Amérique latine (avec l'Argentine et le Brésil), il n'en reste pas moins que le Chili est un pays très inégalitaire. "No hay clase media en Chile". Cette vision, certes schématique, m'est souvent décrite. L'argent, au Chili, est encore plus inégalement réparti qu'en Argentine. Le niveau de vie y est moins bon qu'ici, ou le salaire minimum, légalement imposé, est le plus élevé d'Amérique latine (environ 600 dollars, et selon Fernando, deux salaires minimums pour une famille de 4 est suffisant pour vivre convenablement, manger équilibré...). Cela dit, je suis de plus en plus frappé par l'énorme contraste entre Mendoza et sa banlieue. Dès qu'on s'en éloigne, l'ambiance change vraiment. On passe des immeubles assez luxueux à de minuscules maisons, mal entretenues, dans des quartiers poussiéreux. J'aimerais bien en prendre une photo pour illustrer tout ça, mais ça me gêne aussi de le faire, pour les raisons que vous comprenez.
Bref, c'est ce qui explique, pour Luciana, le retour de la droite au Chili. La population n'a pas d'attache électorale. Elle reste très fragile, et soumise aux discours. Comme partout. Sauf qu'au Chili, le 11 Septembre 1973, Pinochet prenait le pouvoir main dans la main avec la CIA, contre un Allende démocratiquement élu et qui avait, quelques mois avant le coup de force, rencontré Fidel Castro. Ce n'était pas du goût de la maison blanche. Partant de Valparaiso, Pinochet gagna le palais de la "Moneda". On proposa un échappatoire au président Allende. Il le refusa et se tua avec l'arme que Castro, durant sa visite, lui avait offert. Pinochet ne lâchera le pouvoir qu'en 1990, après avoir perdu un référendum. Luciana, au Chili lors des dernières élections, avait entendu de son appartement, au moment des résultats, sa voisine de 60 ans crier "Viva Pinochet!". Sebastian Piñera venait de gagner, et l'on devait dépouiller pas mal de nostalgie. Je ne sais plus quel prof de SES m'avait dit ça au lycée: "La démocratie, c'est comme une flamme, faute d'entretien, elle meurt d'elle même". Belle phrase pour une réalité qui l'est moins. Ne nous méprenons pas. Je ne suis pas en train de théoriser le retour du passé Chilien. Je ne fais pas un parallèle entre Piñera et Pinochet. Je dis seulement que certains, eux, le font. Preuve supplémentaire que sans paix sociale et sans un minimum d'égalité, les réflexes réactionnaires ou identitaires ne peuvent jamais être durablement vaincus. Éducation, santé, sécurité, resterons donc toujours des responsabilités d'État. De nombreux Boliviens, Chiliens... viennent d'ailleurs en Argentine pour en profiter. Ils travaillent, comme on me l'explique, là ou aucun Argentins ne veut plus travailler. Ici, c'est dans la récolte du raisin, par exemple.
En Argentine, la pauvreté a bien reculé depuis le crash de 2001. Selon Luciana, en 2001-2002, on estimait que 50% de la population souffrait de la misère. J'ai vérifié par la suite, sans trouver ce qu'on pouvait entendre par "souffrir de la misère" (la source de cette info, Le Monde Diplomatique, n'en donne aucune définition, ce qui reste pour le moins gênant). Il y a aujourd'hui encore beaucoup de pauvreté ici, et l'on est loin des années d'avant dictature, ou l'Argentine devançait de nombreux pays européens. Néanmoins, la situation n'est plus comparable, et depuis 2004, elle connait une constante amélioration. Natalia y voit les fruits de la politique du couple Kirchner, qui a réussi à redresser le pays après la présidence de Menem, en 1991. En ancrant le Peso sur le Dollars US, l'économie s'était retrouvée au bord du gouffre. Comme le dit Fernando, l'agriculture était en menace de mort. Les exportations, force de l'Argentine, ne trouvaient plus preneurs, même si l'endettement et l'investissement étaient alors bon marché. Menem, en refusant de dévaluer la monnaie, a précipité une crise alors inéluctable. Le FMI est intervenu. Aujourd'hui encore, l'Etat doit rembourser cette aide, ce qui agace la gauche qui demande au gouvernement de cesser d'honorer la dette, pour investir notamment dans l'éducation et la rénovation des universités. Pour Natalia, Kirchner est une Keynésienne modérée. L'Argentine suis le chemin du protectionnisme. Ici, tout les produits locaux sont valorisés. "Industria Argentina", c'est l'inscription qui trône fièrement sur les paquets des produits nationaux. Quand aux produits importés, ils sont très chers. Quasiment 10 pesos ici pour un paquet de Kinder, par exemple (c'est le prix de deux paquets de clope, c'est la moitié du prix d'un menu MacDo...).

Discussions après discussions, débats après débats, me voilà à la fin de mon premier mois ici. Le temps s'amuse à se rétrécir et à s'étendre. Me voici enfin installé, mais toujours étranger, dans ce pays aussi familier qu'étrange. Quand je vous parle des gens que je croise, je vous en parle tel que les choses me sont venues, dans la mesure du possible. Je ne passe pas mes journées à naviguer sur les sites de l'ONU, de l'OMS ou de la Banque Mondiale pour vérifier les informations qu'on me donne. Je ne vérifie pas systématiquement ce qu'on m'affirme en jetant un coup d'œil aux sondages. D'abord parce que je suis trop paresseux pour cela, mais aussi parce que ce n'est pas l'objet de ce blog. Je ne fais que vous parler de ce que je vois, de ce que je ressens. Des paradoxes qui m'apparaissent et des discours contradictoires qu'on me donne. Un pays, une nation, des cultures, des opinions... c'est toujours une espèce de marmite étrange dans laquelle on ne tire pas grand chose. La seule façon de tirer au clair tout ceci serait de vous faire un tableau à mille entrées, avec la densité de population, le nom de la capitale, le chef de l'État, les pourcentages de pratiquant religieux... Vous trouverez cela sur Internet, si ça vous intéresse. Mais faire cela, c'est aussi quelque part réifier un pays. En faire un objet simple, que l'on peut manipuler dans des schémas lisibles mais réducteurs. Il y aura toujours trop de données pour envisager comprendre un pays dans sa totalité. Je vis en France depuis 20 ans, mais je suis incapable de répondre lorsque ici on me demande "Et les Français, ils pensent quoi de Sarkozy/L'argentine/Le football...". On n'existe que dans le seul prisme de son expérience et de son vécu. Je n'existe que dans ma France. Si je me mettais à vouloir faire de ce blog un temple de l'exactitude, je transformerais ce que je vis ici en un objet. Je n'en ai ni les compétences, ni l'envie. Je rentrerais en France avec l'impression de vous avoir dressé un portrait faux, ayant l'étiquette du vrai. Ici, je vous dessine un portrait faux, mais je le revendique. Je ne suis ni politologue, ni sociologue. Je suis encore moins journaliste. Ceux là vous proposent de l'intelligible et de l'exploitable. Moi, je ne peux que vous proposer de l'interprété et de l'engagé. Donc nécessairement de l'erreur, ou au moins de l'extrapolé. Et ça tombe bien, la neutralité scientifique, ça m'emmerde! Je ne vais pas traverser l'Argentine, prendre dans chaque région un échantillon représentatif, proposer un questionnaire, puis utiliser des formules mathématiques pour obtenir des données fiables. Je ne peux pas le faire. Je ne sais pas le faire. Ça à déjà été fait. Et puis au final, ça ne serait pas la réalité. Ce serait un objet de ce réel. La réalité, elle existe, mais personne ne la saura jamais. Personne à part Dieu et Maradona, ce qui pour certains ici revient au même.

Parenthèse clause, je peux vous parler de cette soirée, un peu surréaliste, que j'ai passé il y a quelques jours avec Fernando, Cecilia, Nicolas, Pauline, Maud (la nouvelle arrivée ici, étudiante en cinquième année de Médecine) et Mercedes (c'est la coordinatrice d'un site web qui gère les collocations et la tenue des contrats) accompagnée d'un ami, médecin à Buenos Aires. L'ambiance était détendue. Nous mangions des pizzas en buvant de la bière, tout en passant du coq à l'âne. Puis Fernando me demande de rouler un joint. Je m'exécute, et nous voilà rapidement tous ensemble à faire tourner ma marijuana. Je n'avais jamais fumé du cannabis avec des personnes de 30 et 40 ans... C'était surréaliste, surtout avec Mercedes, cette personne lointaine, ancienne chercheuse de haut niveau, que je ne connaissais alors que par mails. Je n'aurais jamais imaginé cette scène en France. Jamais. Puis la nuit passant, a commencé un long débat, un peu brouillon, sur... l'amour! Pour la première fois de ma vie, j'étais là, du haut de mes jeunes 21 ans, à entendre des adultes, la trentaine passée, voir la quarantaine entamée, parler de cela avec moi. Les déceptions, la jeunesse enfouit, les névroses même, pour certains... Sous la nuit de Mendoza, ces personnes reprenaient leur vie, leurs doutes, leur adolescence. J'étais sidéré. Je ne m'étais jamais posé la question: Serai-je aussi ici, dans vingts ans, assis à leurs places, à parler de mes amours d'enfances, boutonneux et malhabiles? Je n'ai jamais vraiment osé demander à une personne de plus de trente ans quel regard peut-on porter, la quarantaine passée, sur son lointain vécu affectif. Je pensais bêtement que tout s'oubliait. Je me trompais donc? Et vos parents, se souviennent-ils des premiers amours? Les voient-ils avec nostalgie, peine, humour ou indifférence? Je ne sais pas pourquoi, mais voir ces gens parler ce ces choses, débattre de questions aussi fondamentales qu'inutiles (l'amour existe t-il? Peut-il être éternel?), cela à enclenché chez moi un mécanisme étrange. D'un seul coup, tout m'est revenu. Non, dans vingts ans, je serai comme eux, ici, assis entre amis à parler de poussières. Voyager, c'est aussi se rendre compte, soudainement, combien l'on a vieilli. Il y a quelques années je m'imaginais au bout de la terre, à marcher fièrement dans une rue lointaine. J'y suis aujourd'hui! Mais moins fier sans doute. L'enfance est enterrée, morte, terminée. A vingt ans, la vie commence, mais je suis surpris de voir combien les souvenirs entassés pèsent déjà. A vingt ans, on est presque adulte. Il est déjà trop tard. Les premiers pas à la nouvelle école, les humiliations du collège, l'enivrement des années lycées. Les premiers auteurs, les premiers mercredis après-midi à faire du sport en club, les premiers verres d'alcools, les premières vacances entre amis, les engueulades avec les parents, les débats insignifiants, les examens, les échecs, les victoires, ma démarche d'adolescent préoccupé. Mes premières tentatives de séductions, pour le moins comiques. Les premiers sentiments, les premières colères. Les premières erreurs. Les premières amitiés, les premiers débats, les photos de classe, les vaccins obligatoires, la bouffe de la cantine, les mots sur le carnet de liaison... Tout ceci, ce soir là, sous les étoiles, était derrière moi. C'est une des première fois que je me vois comme un être construit, et non pas seulement en construction. Ce soir-là, j'avais un passé, un passif, un chemin. Faut-il partir, voyager, changer temporairement de vie pour s'en rendre compte? Non. Mais cela aide, parce qu'en s'éloignant du portait qu'on dessine, le temps d'aller chercher à l'atelier des Andes de nouvelles couleurs, on se rend mieux compte, de loin, à quoi ressemble ce que l'on est en train de peindre et la forme de ce que l'on a peint.
La discussion a duré encore longtemps. Fernando était là pour illustrer ce débat de références philosophiques! Cécilia, en citant les grandes œuvres de la littérature. Emma Bovary et sa folie romanesque, Nietzsche et son éternel retour, Freud et sa névrose du sexe (disons-le!), Foucault et son "histoire de la sexualité". J'étais bien. Je me sentais chez moi, à parler d'auteurs et de pensées "europeanno-centrées", pardon pour cette faiblesse. Pour une fois, je savais au moins de quoi l'on parlait. Je ne posait plus de questions, comme d'habitude, mais je posais des problèmes. Je n'avais pas uniquement à apprendre, j'avais aussi à participer. Autour de ces personnes plus âgés que moi, je me suis senti vivant comme rarement. Puis les gens sont partis. Je suis resté un peu avec Cecilia, histoire de parler de poésie, de la figure mutilée de l'artiste, de l"homme qui aime l'amour mais qui ne fait jamais l'amour". Ça lui faisait plaisir de parler de ça avec moi. J'avais l'impression qu'elle continuait de fantasmer sur la "France pays d'artistes". J'ai joué le jeu, un peu pour lui faire plaisir. La soirée c'est terminée. La bougie c'est consommée toute seule. Enfin, tant est qu'il y en avait une, ce que je ne peux affirmer. Mais l'image traduit bien mon sentiment et l'ambiance d'alors. Et puis, c'est juste aussi l'histoire de me la raconter grave.

Le samedi, j'ai suivi quelques amis, deux françaises de Rennes, une espagnole d'Extremadure, une allemande de Leipzig et un mexicain de je ne sais ou en ballade à Uspallata, une ville à deux heures de Mendoza. Une bonne ambiance et de bon souvenirs, perchés sur nos vélos.
Uspallata, une merveille, un joyau! Des montagnes et hauts-plateaux trônant à 3000 mètres, dans un décors désertique. Des couleurs innombrables, du rouge, mauve, jaune, vert et même du bleu. Je n'avais jamais vu ça. Pour moi, la montagne, c'était des plaines et des vaches!
Nous étions seul au monde, dans ce lieu qui restera un des spectacles les plus grandioses de ma vie. Pour la première fois, je goutais vraiment à la beauté des Andes, après un mois à errer dans Mendoza. J'étais ému. Vraiment. Profondément. Il n'y avait aucun mot pour traduire combien, face à ce paysage, seul le silence s'imposait. J'en ai vraiment pris plein les yeux. Une rapide descente en rappel, parfaite petite activité touristique d'une facilité d'enfant (même que je suis été trop fort!), et puis retour sur la ville en vélo. Ce couloir aux murs de montagne s'ouvrait sur une grande plaine allongé au pied des Andes. Féérique. Incroyable. C'est ici, en 1997, qu'a été tourné 7 ans au Tibet. La vérité est bien plus belle (même sans Brad Pit)! Et puis ce vent, violent, qui giflait la gueule! A Mendoza, le vent ne souffle presque jamais. Il me manquait, ce compagnon de partout! Le ressentir enfin, après des semaines d'absence, fut une libération formidable. Écarter les bras, le laisser s'engouffrer dans les vêtements, siffler aux oreilles. Cela restera un moment des plus forts. J'ai vécu quelque chose de spécial. Dans ma tête, j'ai senti ce dépaysement incroyable, le même qui fait frisonner l'échine et qui enflamme l'imagination.

Et puis, en revenant à Mendoza, j'ai réalisé qu'un mois était écoulé. Non, je n'étais pas en vacances. Et si tout finissait mal? Si je revenais en France avec ce terrible soulagement, celui qui trahit l'expérience difficile? Si je m'enterrais dans ma chambre pour passer mes nuits les yeux ouverts à attendre le retour? Si la solitude devenait ma plus grande compagne, moi qui l'ai toujours détesté, elle qui me terrorise toujours autant? L'année a commencé. Les premières joies sont là, et les premières emmerdes aussi. Ma carte bleue est bloquée, je vis aux crédits de mes amis, et je dois encore tenir au moins une semaine. En France, la rentrée approche, et ceux que l'on connait s'apprêtent à reprendre une routine dans laquelle on ne figurera pas. Moi, je reste là à toujours réfléchir sur ma situation. Cette année sera ainsi. Toujours comparer, se demander, s'interroger... S'analyser encore et encore, tout en savant qu'on en tire jamais rien, parce qu'il n'y a rien à en tirer, et ce jusqu'à s'inventer quelque chose qui n'existe pas et à force de conviction, lui donner vie... Pour beaucoup, c'est le meilleur moyen de rater cette expérience. En s'interrogeant sur sa situation, on en oublie d'être inconscient. Peut être. Mais j'ai toujours vécu comme ça, et je ne sais pas trop comment faire autrement. Sinon, ce blog n'existerait pas. Je vivrais cette année comme elle vient, sans peur, sans doute, en prenant les choses à bras le corps.
Je n'ai jamais réussi à faire ça.
Et je n'en suis pas mort pour autant.