mercredi 29 septembre 2010

Neuvième entrée, du 16 au 29 septembre






Des vêtements pour une dizaine de jours jetés en vrac, mon duvet par-dessus qui refuse de rentrer dans sa housse et que je tasse pèle mêle sur le tas de linge. J'écrase le tout du pied, et je ferme avec violence mon grand sac à dos. Je prends mes 1000 pesos, à changer à la douane, et surtout, je n'oublie pas mon passeport. Et puis mon appareil photo aussi, même si j'ignore qu'il ne restera plus que quelques heures en ma possession. Je suis fin prêt pour sauter dans un bus et filer de l'autre coté des Andes pour enfin sentir l'air chilien.
Ces jours s'annoncent passionnant, à bien des égards. Le Chili, ce voisin dont j'ai tant entendu parler, je vais enfin pouvoir l'observer de mes propres yeux! Il y a deux cents ans, il quittait l'autorité espagnole. Ces jours, on y fêtera l'indépendance. Je suis curieux de voir ça. La fête de l'indépendance Argentine eut lieu avant mon arrivé, et ce fut semble t-il un évènement unique. Il en sera de même au Chili. Moi qui suis né l'année du bicentenaire de la République Française, j'assiste à l'aube de ma seconde décennie aux fêtes de l'indépendance de l'Amérique latine. J'essaye d'y voir un signe, mais je n'y parviens pas tellement. En revanche, je réalise bien ma chance de voir les "fiestas patrias" chiliennes à Valparaiso. Valparaiso, c'est un peu un mythe pour les étrangers en échange ici. C'est sans toute le lieu le plus proche de Mendoza que l'on doit voir absolument. D'ailleurs, la quasi totalité des étrangers partent cette semaine. La faculté marche au ralenti, les locaux ont des examens de rattrapages, le mercredi est férié, et pour le reste de la semaine, tant pis. Ce n'est qu'une journée de manqué au final, et puis cette année n'est pas celle de la présence assidue à l'université, qui s'en cacherait?
Me voilà donc avec deux compatriotes Français, Pauline et Irina, à l'assaut des Andes. La route qui s'y fraye un chemin est une merveille. On y traverse les montagnes, arides. Le panorama est incroyable, le dépaysement total. Sur le bord de la route, une vieille voie ferrée abandonnée, des cars rouillés et sans roue. Nous sommes dans un des lieux les plus majestueux de la planète. La petite télévision diffuse "Taken", l'histoire d'un papa "État-Unien" (dire américain ici n'aurait pas de sens) qui trucide trois milles méchants dans les bas-fonds de Paris pour sauver sa pauvre fille enlevée par la mafia locale pour en faire une pute. Passionnant.

Bien sur, nous ne sommes pas les seuls à vouloir gagner le Chili pour les fêtes. Nous arrivons à la douane. Devant nous, plusieurs cars patientent. Nous attendons deux heures avant d'enfin pouvoir atteindre les infrastructures, à raison de 3 mètres chaque demi-heure. Derrière moi, un bébé tantôt gazouillant, tantôt pleurant. Je me retiens de lui arracher la tête. Il reste en moi quelques bribes d'humanité. Il faut dire que des bébés, ici, il y en a! Les femmes sont souvent enceintes bien plus tôt qu'en France. Il n'est pas rare de voir des filles de 16 ans porter un bébé. Et même plus tôt parfois. Dans mon université, une crèche est disponible pour les étudiantes/jeunes mères. L'administration est en phase avec sa société. En France, être maman en Master d'histoire, c'est souvent devoir quitter la faculté. Je ne le souhaite à aucune des Argentines, à condition qu'elles droguent leurs gamins avant de les faire monter dans les bus. La frontière est au-dessus des 3000 mètres, altitude ou peut commencer le mal des montagnes. Des panneaux nous préviennent: Veillez à ne pas faire d'effort, à ne pas boire de boisson gazeuse, si vous avez mal à la tête ou êtes sujet à des vomissements, reposez vous. Dans ce hangar un peu délabré, j'ai l'impression d'être un Afghan tentant de quitter son pays, et le décor s'y prête. Deux ou trois formulaires, un tampon et deux heures de queues dans le froid participent à me faire apprécier encore plus l'espace Schengen. Puis on entre dans une salle, tous en ligne. On pose nos sacs sur une petite table. Un chien passe et renifle. Nous sommes du bétail. Nous repartons avec 4 heures de retard sur l'horaire prévu, sans portable pour prévenir nos hôtes. Je sens venir la galère.
Nous voilà du coté Chilien, à rouler prêt d'une station de ski. Le Chili défile. Il est bien plus vert que mon aride région de Cuyo. Quelque temps plus tard, Enfin Valparaiso! Je retrouve un ami, Tudy, qui y étudie aussi. Et de rien pour cette magnifique allitération bancale...
Je vais rester quelques jours en sa compagnie. Également auteur d'un blog, je vous transmets encore l'adresse de ses témoignages, histoire d'éviter les doublons inévitables de l'exercice, puisqu'il vient d'écrire sur les fiestas patrias: http://un-frances-a-valparaiso.blogspot.com/2010/09/que-ma-nation-perisse-pourvu-que.html?spref=fb .

Il vit dans une belle colocation chilienne, juste en face de son compatriote Simon. La rue est très étroite, et sépare les deux logements de quelques mètres. Pour communiquer entre eux, il suffit de sortir la tête et de crier pour inviter l'autre à montrer son visage. Cette image, dans cette rue typique, sous un soleil souvent radieux m'apparut immédiatement comme très pittoresque et sympathique.
Valparaiso est magnifique. Son contact furtif restera dans ma mémoire. Des collines verdoyantes sur lesquelles s'entassent des baraques bleues, rouges, jaunes, vertes, oranges, violettes... Un festival surplombant une mer azur, et le tout baigné de soleil. C'est une véritable œuvre impressionniste, ou chaque maison est un touché de pinceau. Un joyeux bordel sans logique d'organisation. Quand la vue se dégage, le tableau prend tout son sens. La ville bouillonne. Partout, des petits cafés aux murs tapissés d'affiches, de dessins faits au marqueur. Des artistes un peu bohèmes vendent leurs travaux aux touristes, très nombreux ici. Les tags ont envahi l'espace urbain, et se marient avec une force étonnante aux explosions de couleurs des maisons aux tons toujours uniques. Ma première visite, le lendemain matin de mon arrivée est délicieuse. Je m'étonne à chaque pas, je ne sais plus que regarder. La tête m'en tourne. Je marche sur le soleil, et la mer s'étend dans le ciel. Les couleurs grouillent de toutes parts, et j'ai beau fermer les yeux, elles persistent à m'envahir. Impossible de lutter. Je ne peux que me laisser porter dans cette douce marré aux écumes de mille teintes. Valparaiso, signifie en français la vallée du paradis. Concentré des images d'Épinal de l'Amérique latine, je sais qu'elle ne s'y résume pas. Sa richesse est infinie, parfois belle, parfois moins. La pauvreté persiste sur les hauteurs, ou les maisons sont plus sales, ou la tôle est plus présente, et ou on nous dis parfois de passer par un autre endroit, car les lieux ne sont pas sûrs. Nous avons souvent entendu cela. Mais même ces barrios ont pour l'européen aisé le charme de la pauvreté, que l'on aime parce qu'on ne la vie pas, que l'on regarde avec la curiosité parfois gênée de l'exotisme pittoresque. Les enfants jouent avec des cerfs-volants confectionnés en papier, les chiens dorment paisiblement sur les trottoirs, les jeans sont vieux et sales. Les idées bien pensantes viennent soulager ce dilemme. On ne vient pas au zoo, on vient découvrir une réalité autre, avec nos pesos en poche et nos appareils photo. Il ne s'agit pas de se culpabiliser, ni de s'étonner avec l'hypocrisie correcte et démagogique des inégalités qui nous bercent du bon coté. Mais on ne peut ignorer aussi les difficultés de voir en l'autre, celui qu'on ne perçoit d'abord que par ses différences, une personne totalement égale à soi même, avec les mêmes ambitions et les mêmes préoccupations. Cet obstacle au voyageur, universel, est à surmonter. Pour se faire, passer sous silence cette vérité de sert à rien. L'assumer sans l'exagérer est la seule solution. En prendre acte sans jamais voir en l'autre un opposé. Voir en l'autre un autre moi qui n'est pas moi-même. Ne pas tomber dans les extrêmes qui seraient soit de nier ce qui s'impose et se croire exactement comme "eux", se qui serait indécent; soit de dire que la différence est si grande que notre présence ici n'est pas légitime, ce qui serait inhumain (et dramatique économiquement, disons-le). Oui, l'insécurité, toujours relative, est présente ici. En parlant ici et là, je remarque que tout les étrangers, que ce soit à Valparaiso ou à Santiago, ont eu des problèmes. Vols de portables, de cartes de crédits, de portefeuilles... Et pour moi, mon appareil photos! Je l'ai cherché tout le séjour, et en rentrant, je ne l'ai pas retrouvé. Je me suis souvenu l'avoir mis dans une poche fermée de mon sac à dos. Le seul problème, c'est qu'en arrivant chez Tudy, déjà, je ne le trouvais pas. Le seul moment ou il a donc été possiblement volé, c'est lors ce que les douaniers ont fouillé les sacs à l'égard des regards à la frontière... En revanche, les violences purement physiques, elles, restent rares. Elles existent, mais en grande minorité.
Revenons à mon arrivée à Valparaiso. Le soir même, nous allons contempler l'impressionnant feu d'artifice embrasant la baie. Vous retrouverez ce récit sur le blog de mon hôte, mais je ne peux, cette fois, passer sous silence une réflexion que Tudy et moi nous sommes faites au même moment (si c'est pas beau...). Les jeunes riaient, chantaient, et criaient VIVA CHILE! Ce nationalisme nous a impressionné (pour bien comprendre la chose, sa vigueur, je vous réinvite à lire le blog donné plus haut). Loin de la France et de son étrange et complexe désintérêt pour la nation, le Chili connaît un fort nationalisme. La jeunesse est fière de son pays. Elle se berce d'un orgueil que le 14 juillet ne reflète plus depuis longtemps. J'étais à cette occasion à l'Isle Adam, petite ville bourgeoise de région parisienne. Le feu d'artifice au bord d'un étang, sur des musiques de Michael Jackson, thème indéniablement lié à l'histoire de notre pays. Je n'ai entendu personne chanter la Marseillaise. Le nationalisme existe en France, bien sur. Trop souvent comme un repli identitaire. Mais la France ne fait plus rêver. Les guerres Napoléoniennes n'auraient techniquement jamais pu être remportées. Tout les historiens s'y accordent, l'armée Française, essoufflée par une révolution chaotique et une instabilité chronique, était bien moins nombreuses et équipée que les puissances alliées. Et pourtant, dans un premier temps, les victoires se sont enchaînés. C'est que l'amour d'une nation reposant sur des principes nouveaux avait surmonté la loi du nombre. Les soldats se battaient pour un idéal, ceux d'en face pour un devoir de métier. Puis l'idéal s'est perverti. Des soldats ont commencé à violer les femmes et à voler les richesses personnelles. En Espagne, l'attractivité de la république s'est crue naturellement supérieure, rendant la résistance de fait illégitime, et donc à mater. On connaît la suite. La force de l'identité est une inconnue dans un conflit qui a toujours été sous estimée. En Irak, l'OTAN en fait les frais.
La France ne fait plus rêver. Elle ne se définit plus comme un idéal à partager mais à protéger. On aime plus la France pour ce qu'elle a d'universelle, mais pour ce qu'elle de particulier. Elle se définie de manière négative, par rapport à l'autre, qui de fait n'est plus partie prenante de cette identité. Expulser devient donc le ciment d'une identité en perte de repère. On en connaît que trop bien les dérives. Mais rassurez vous, sur l'affaire des Roms, Berlusconi, grand apôtre de l'État de Droit nous soutient. Mon romantisme gamin, idéaliste et naïf me pousse a y voir l'occasion de jouir d'une nouvelle identité, bien différente de celle que l'on tente de construire, malgré des incohérences de plus en plus terribles. Si l'idéal Français est en voie de déliquescence, pourquoi ne pas y voir l'opportunité de construire et consolider l'idéal européen? Pourquoi ne pas rêver à un projet collectif fort prenant appui sur l'idée d'une nouvelle cohésion? Pourquoi l'Europe ne serait-elle pas l'avenir de la France? Le travail est, je sais, difficile et de très longue haleine. On ne construit pas une nation en une, deux, ou même trois générations. Mais je retiens que sur mon passeport, au-dessus de "République Française", je peux lire "Union Européenne". Sans doute suis-je en train de construire une certitude nationale à la seule vue de mes aspirations. C'est ce que l'on appelle en épistémologie, et pour faire chic, le constructivisme : Analyser et construire le réel selon l'expérience que l'on en a.
En parlant de constructivisme, ce voyage fut aussi l'occasion de mettre à mal ma passion pour l'idéal de la panamericana (c'est mon petit coté Che Guevara, que voulez vous...). De manière générale, j'ai de plus en plus l'impression que la compétition entre les différents pays d'Amérique Latine est un trait notable des mentalités. Un ami Argentin ne cesse de décrier les chiliens. Au Chili, j'ai entendu de nombreux discours très fortement chauvins. Le Chili est la première puissance du sous-continent, tant en termes économiques que militaires (même si c'est bien plus difficile à mesurer), et hormis le Brésil, qui conserve une place particulière et centrale. Durant la guerre des Malouines, qui a opposé l'Argentine au Royaume-Unis entre le mois d'avril et Juin 1982, l'Argentine était seule. Le Pérou fut quasiment le seul pays à la soutenir. Le Chili, lui, aidait ouvertement l'Angleterre, en autorisant l'armée à stationner sur ses terres. Tout les Argentins ne l'ont pas oublié. Depuis quelques semaines, je me rends compte à quel point l'utopie est loin. Le projet reste cher à quelques rêveurs. Pour les autres, le Mercosur suffit. C'est que dans la faculté, ses rêveurs sont nombreux. Des rencontres universitaires sont régulièrement organisées entre les différents pays. Et comme les groupuscules marxistes y sont nombreux, l'idée est souvent évoquée. En dehors des murs de l'université, en revanche, la question n'intéresse pas. Mon obsession à voir ce que je veux trouver m'a joué un tour. Néanmoins, personne ne pourrait nier que les liens linguistiques favorisent aussi l'existence, au demeurant indiscutable, d'une identité commune. Les Argentins voyagent beaucoup, relativement au milieu de vie moyen. Beaucoup on vu le Chili ou l'Uruguay. On reste attentif à ce qu'il se passe chez les voisins. Ici encore, l'Amérique Latine brille par sa complexité. D'une part, les suds-américains partagent une histoire commune. Celle de la décolonisation, qui a enfanté des États actuels. Celle des dictatures, de la guerre froide, du rêve passé du Che, cet Argentin de Rosario, pièce maîtresse de la révolution cubaine. Mais les tensions sont fortes. Guerre du pacifique, concurrence entre un Brésil en grande émergence, membre des BRIC, et l'Argentine qui tente de suivre le rythme sans vraiment y parvenir... Le Che, revenons y, rêvait d'allumer plusieurs Vietnam sur le territoire sud américain. L'échec fut cuisant, peut être justement parce que le terreau idéologique auquel il croyait n'existait pas. Et Valparaiso dans tout ça? Tudy m'expliquait que le port fut central dans l'expansion économique du pays. Mais avec l'ouverture du canal de Panama en 1914, qui relie le pacifique à l'Atlantique, Valparaiso s'est effondré. Il n'était plus stratégique. Depuis, la ville survit grâce au tourisme. Mais Valparaiso reste un lieu majeur de l'histoire chilienne. C'est ici qu'en 1973 a commencé le coup d'État. Depuis, Allende est omniprésent dans la ville, notamment grâce aux nombreux tags à son effigie. Il reste bien sur son rayonnement culturel exceptionnel. Le mythe hippie y existe encore. Tudy m'a raconté qu'un Français c'est retrouvé en arrivant dans une maison de poètes, ou tout était mis en commun, et ou la porte restait toujours ouverte. La maison bleue de Maxime le Forestier en Amérique latine quoi. Il y a dans cette ville une ambiance très plaisante, l'odeur d'un temps révolu, que certains doux nostalgiques se plaisent à faire perdurer. Bien sur, Valparaiso est aussi la ville de Pablo Neruda. J'ai l'occasion de visiter ce qui fut sa maison. Une magnifique vue. Tout y est propre. Tout y est bien rangé. La vaisselle est sur la table du salon. Qui croirait à une telle mise en scène? Ce genre de visite résonne le faux. Pablo Neruda est mort en laissant sa maison exactement comme elle est aujourd'hui, je n'en doute pas. Souvent, les "lieux de vies" sont de vastes attrapes touristes. On s'y ballade avec des écouteurs nous racontant tout un tas de choses sans importance, et on s'en va en ayant oublié que Neruda, c'était surtout un poète. Mieux vos acheter un de ses bouquins pour le feuilleter sur l'un des Cerros de la ville, à l'ombre d'un arbre ou sur les marches ensoleillés d'une petite église. C'est moins cher, plus intéressant, et plus plaisant. A Mendoza, en rentrant, un Allemand me dit qu'il a quitté Valparaiso sans avoir lu de sa vie un seul de ses vers. Vous imaginez-vous visiter la maison de Van Gogh sans avoir la moindre image en tête d'un seul de ses tableaux?

Le lendemain, nous prenons le bus pour deux heures de routes. Direction Horcon, un petit village de pêcheurs à deux heures de Valparaiso. Un lieu charmant. Des petites plages cachées derrières des communautés hippies vivant un peu hors du monde, un port aux petites baraques vendant de quoi grignoter. Et bien sur, le soleil et la mer! Le pacifique nous fait un bien fou, lui qui est si loin de Mendoza!
Un autre jour, nous nous rendons dans une espèce de vaste Kermesse. On y fête bien sûr le bicentenaire. Tir à la cible, chamboule tout... au milieu des drapeaux chiliens flottant. Je ne résiste pas à l'envie de faire un tour de manège. D'abord, je grimpe avec Pauline sur un espèce de bras mécanique qui fait tourner une nacelle dans les airs. Ca craque de partout. En observant le moteur, je remarque un bac dans lequel se déverse un liquide blanc étrange. Il manque des ampoules sur les nacelles. Les forains ne remplissent l'attraction qu'aux trois quarts, alors que la queue s'étend. Pas très rassurant. Une fois terminé, je monte dans un manège qui envoie une plate forme en l'air, et qui tourne sur elle même. Plus de sensations. Tout est rouillé. Je vois les engrenages qui propulsent l'engin. Ils sont bien usés et déformés. J'en sors vivant, comme les quelques milliers de personnes qui viendront après moi.
Bientôt, nous devons partir et rejoindre Santiago.
Que reste t-il de ce passage à Valparaiso? Une odeur de poésie que l'on retrouve même dans le tranquille cimetière dans lequel nous nous baladons avant de la quitter. Une expérience des plus riches et des plus belles. Une ville marquante, unique. Un magnifique souvenir. C'est une ville dans laquelle il faut flâner, se perdre, se laisser aller au hasard de la marche. C'est une ville ou lire un petit bouquin sur un banc, boire un verre entre amis. C'est une ville à vivre, à sentir. Et puis le plaisir des cafés, aussi. Les discussions décousues et universelles. Un soir, dans un bar, on me donne des conseils de drague. Comment séduire une femme de A à Z... Comment comprendre des codes relationnels que l'on ne connaît pas. Le charme de l'étranger, c'est aussi ça. Ces petits moments amusants, anodins sur l'instant, mais qui se teintent avec le temps d'une saveur toute particulière.
Nous partons ainsi vers Santiago, gentillement logé chez Claudia et Chloé, deux amies françaises. Le contraste est frappant. La ville est immense et s'étend à perte de vue. Gratte-ciel, voitures... Et bien sur le fameux smog, qui couvre la ville. On s'en aperçoit une fois monté sous un soleil de plomb sur une colline qui domine la ville. C'est le cerro (colline en castillan) San Cristobal, au sommet duquel se trouve une statue de la Vierge. D'ici, on peut voir l'infini du tissu urbain. Santiago est moderne. Le métro est flambant neuf, et les escaliers d'accès sont équipés d'un rail sur lequel repose un fauteuil électrique pour permettre l'accès aux handicapés. Le soir de notre arrivé, nous retrouvons Chloé chez elle. Elle vit dans un immeuble, au treizième étage. La vue est incroyable. On se croirait à Manathan. Les buildings clignotent. Une voie lactée électrique défie l'horizon. Une grande ville des Suds. Mais le temps manque. Nous ne nous y attarderons pas cette fois-ci.
Nous retraversons la frontière dans l'autre sens. Réveil à 2 heures pour effectuer de nouveau les formalités administratives, et attendre les fouilles de nos affaires. A 7 heures et demi, Mendoza se réveille doucement. Je la retrouve avec joie. Je m'y sens chez moi. Les agents municipaux passent le jet d'eau sur les pavés. Sans discuter, je cours me coucher.

Voilà trois jours que je suis rentré. Je rédige cette entrée selon les notes prises sur mon téléphone portable, mais surtout de mémoire. Souvent, quand quelque chose me marque, je l'évoque sur une feuille par deux ou trois mots. Je reprends le tout lors ce que je pense posséder suffisamment de matière pour construire un article. Mais vous l'aurez compris, on ne peut pas tout noter. Je n'ai pas un carnet incrusté dans la peau. Et souvent, en reprenant mes notes, je ne réussis pas à déchiffrer ce que j'ai écris. Et quand j'y parviens, je ne me souviens pas toujours à quoi elles se référaient. Je ne peux pas tout dire, et même pas dire ce que je tout ce que je voulais. Souvent, des détails me reviennent alors que l'article est en ligne depuis longtemps. Ce n'est pas grave, j'insère ses détails dans les articles suivants, sans respecter la chronologie des évènements. D'où le caractère parfois incohérent de mes textes. Les idées viennent, partent, reviennent et repartent. J'ai choisi l'inconstruction (regardez dans le dictionnaire, si trouvez ce mot, vous gagner 3000 euros) par facilité. Et puis de toute manière, je ne suis pas à l'école, alors laissez moi le plaisir d'emmerder enfin l'exigence de structuration.

Enfin, pour clore cette longue entrée, il me faut souligner aussi le plaisir de revoir les amis Français également en échange: c'est l'occasion de pleurer sur notre pays.
Jusqu'à quand allons nous accepter le mépris du droit?
Une institution est par nécessité impersonnelle dans le sens ou celle-ci ne fonctionne que dans le cadre de règles précises et écrites. Si notre président veut en modifier l'usage, pourquoi pas, à condition qu'on me demande mon avis! Si la majorité est alors contre moi, je ne pourrais que la fermer et prier pour être dans l'erreur. Mais tant que ce n'est pas le cas, quelle est la légitimité du politique qui appréhende une institution sans en respecter l'usage originel? C'est aussi ça le drame de l'affaire Woerth! Même si ce dernier est innocenté, il ne sera jamais totalement réhabilité. En supprimant le juge d'instruction, c'est la justice même qui perd sa neutralité. Et même si dans les faits elle la conserve (sait-on jamais), elle ne peut plus prouver qu'elle l'ai, puisque la réforme de l'institution n'est que le fruit d'un acte politique détaché de toute légitimité électorale (programme présidentiel, référendum). Dès lors, c'est la base même de la nature de la justice qui est en question. L'affaire Clearstream l'illustre bien. Composer une juridiction sur mesure pour rejuger l'ancien premier ministre, c'est remettre en cause l'État de droit. La justice est la même pour tous, et la loi s'impose à l'ensemble des membres de la société, même à ceux qui la dicte.
Les libéraux, ceux qui croient dur comme fer à la pensée de Locke, doivent avoir la nausée. Le libéralisme, c'est ce qui protège l'individu de l'expansion du pouvoir de l'État. Notre président acceptait sans complexe l'étiquette libérale, ce qui plaisait aux abrutis qui n'y voyait là qu'une signification purement économique, alors qu'elle reste essentiellement politique. J'espère qu'ils se sentent cons. En vulgarisant le débat, c'est l'idée même de libéralisme qu'on a tué. On a fait du libéralisme l'idée de la totale liberté économique. On diminue les impôts en son nom. Un vrai libéral sait que redistribuer les richesses est effectivement un devoir d'État. Keynes le dit. Mais Smith également. Ou en est l'idée libérale dans toute sa noblesse? L'idée des lumières (enfin de certaines), l'arme ultime contre les monarchies absolues. Non, Nicolas Sarkozy n'a rien d'un libéral. Le libéralisme ne peut admettre qu'un État parvienne ainsi à s'étendre là ou la liberté et l'égalité de tous s'imposait. Le France glisse actuellement sur une "pente totalitaire douce", c'est-à-dire que le pouvoir étatique s'infiltre là ou il n'a pas là s'infiltrer. Nomination du directeur de France Télévision et de Radio France par le président, remise en cause de la non rétroactivité de la loi (malgré l'avis défavorable du conseil des sages), déchéance de la nationalité (qui est illégale, inutile de faire preuve de mauvaise fois, il suffit de s'arrêter au premier article de notre constitution), pression sur les journalistes et sur leurs sources. Ce n'est pas sans précédent que l'exécutif outre-passe ses prérogatives. Mais à un tel rythme, c'est bien une première dans l'histoire de la cinquième république (et les fautes passées, de toutes manières, ne justifient pas les fautes actuelles).
Mais je pars dans tout les sens. Comment expliquer la politique honteuse de Hortefeux et Besson à l'égard des Roms? C'est en fait la manifestation d'une contradiction tactique. En 2007, Nicolas Sarkozy gagne grâce à l'insécurité. C'est l'image du karcher. Aujourd'hui, il est en perte de vitesse, et les élections approchent. Il faut donc ré-attirer l'électorat. Ce qui fonctionne, c'est l'insécurité, qui l'a mené au pouvoir il y a presque 4 ans. Oui, mais dire que l'insécurité est de nouveau le problème majeur, c'est de fait avouer que le bilan du président est mauvais, que les objectifs ne sont pas atteints. La seule solution est alors d'adopter un discours fondamentalement bancal et contradictoire. A la fois on s'alarme de la violence, mais en même temps, on assure que la situation est meilleure qu'en 2007. Depuis cette date, périodiquement, on nous balance des chiffres alarmant sur la violence. Et puis deux mois après, on applaudit une amélioration statistique. Depuis ces quatre dernières années, il est fascinant de constater combien un discours succède à l'autre. Donc ça va mieux, mais il reste encore des problèmes. Cette fois-ci, c'est à cause des Roumains (« Aujourd'hui, à Paris, la réalité est que près d'un auteur de vol sur cinq est un Roumain » « un vol commis par un mineur sur quatre l'est par un mineur roumain », chiffre d'ailleurs sortis de nulle part, aucun organisme n'ayant admis être à l'origine de ces chiffres). Et si Sarkozy gagne en 2012, et que tout va de travers en 2016, il faudra bien penser aux prochaines élections et mobiliser l'électorat. On nous dira que la sécurité a progressé, mais qu'il y a encore des problèmes. Ce sera la faute a qui?


Les photographies sont de Irina et Noémie.
Elles présentent successivement: -Le passage des Andes et Valparaiso
-Valparaiso
-Un tag de Valparaiso et Horcon
-Santiago.
Vous pouvez consulter le blog d'Irina: http://maradona-y-gauchos.over-blog.com